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Hako Hankson par Aby Gaye


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De son enfance passée à l’Ouest du Cameroun à Bafang, en pays bamiléké, Hako Hankson tire son éducation spirituelle, sa vocation d’artiste et son engagement politique[1]. Dès l’âge de sept ans il réalise avec dextérité de petites sculptures en kaolin pour imiter son père, un notable charismatique et sévère, responsable des objets rituels. Cet imaginaire de l’enfance se réactive à l’âge adulte où les masques et les statuettes deviennent parmi les motifs principaux des œuvres de l’artiste, qui les fait renaître et les anime sous un aspect humain. Une manière d’affirmer la nécessité des racines spirituelles pour vivre le monde contemporain.

A son arrivée à Douala à la fin des années 1980, Hako Hankson est propulsé dans un environnement cosmopolite et prend goût à ce qu’il nomme « le désordre chaotique du quotidien »[2]. Sa peinture et ses dessins s’inspirent alors des scènes de rue, et il se hisse rapidement au rang de conteur urbain, avec justesse et humour. Appartenant à une génération de plasticiens autodidactes à une époque où le Cameroun ne possède pas encore d’écoles des beaux-arts, il fait preuve d’ingéniosité et de patience pour façonner son univers plastique. Le matériel est onéreux et difficile à se procurer, il faut alors fabriquer ses propres pigments et attirer l’attention des rares collectionneurs que compte Douala. La qualité plastique de son travail est remarquée et il expose alors ses premières toiles dans un tout nouveau centre d’art, Doual’art[3], créé en 1991 par Marilyn Douala Bell et Didier Schaub, lieu novateur de soutien aux artistes qui travaillent sur les questions urbaines. Cette initiative a sans doute inspiré Hako Hankson qui fonde plus tard son propre centre, fédérant aujourd’hui une communauté de jeunes artistes venus chercher son enseignement et son expérience au sein de son atelier.

Sa pratique est variée, tant en termes de médiums (dessin, peinture, sculpture et vidéo) que dans le style. Des figures hybrides, à la croisée entre masques, statuettes et humains se dressent au milieu de grands aplats de couleurs, de face ou de profil. Ses œuvres semblent être dictées à la fois par l’histoire des rites retenue de l’enfance et la tangibilité du quotidien de la vie au Cameroun. En fin observateur, il aime narrer l’émulation de la ville de Douala où l’on se rencontre, on se marie, on travaille, on se dispute. On décèle dans ses compositions l’importance du dessin, un trait précis qu’il emploie également dans ses toiles à l’acrylique, jouant avec les couches de transparence. L’importance de l’écriture également, sorte de chant qui ponctue ses compositions pour mieux raconter l’histoire des déplacés : les populations bien sûr, mais aussi les objets de cultes déracinés, témoins des religions animistes violemment réprimées par les colons. C’est tout un pan de l’histoire du Cameroun contemporain qui se lit à travers son travail, à la fois subtil et tranchant.

Dans les années 1990, Hako Hankson acquiert une certaine notoriété au Cameroun, ce qui lui permet de vivre de sa pratique, mais aussi de se confronter à de plus grands formats et d’expérimenter d’autres médiums, notamment la sculpture qu’il réalise avec des matériaux trouvés et récupérés : du bois, du fer, du plastique, des tissus. Il produit alors de grandes compositions semblables aux figures peintes mais dont l’échelle accentue la dimension hybride. Il s’essaie aussi à la vidéo avec succès et expose une première œuvre à l’Institut Français de Douala. Sa vision panafricaine et son désir de montrer les atrocités commises par la colonisation se concrétisent dans une œuvre vidéo sur l’homme d’état congolais Patrice Lumumba, à laquelle il ajoute la musique du nigérian Fela Kuti[4].

© Hako Hankson, Transhumance, 2022, encre de chine et acrylique sur toile, 148 x 500 cm
Exposition Sur le chemin des réfugiés
Collection Fondation H

© Hako Hankson, Chemin vers l’inconnu 1, 2022, encre de chine et acrylique sur toile, 150x150cm
Exposition Sur le chemin des réfugiés
Collection privée

© Hako Hankson, Chemin vers l’inconnu 2, 2022, encre de chine et acrylique sur toile, 150x150cm
Exposition Sur le chemin des réfugiés
Collection privée

Ses toiles récentes adoptent une palette plus fluide et font naître une tension entre la douceur des textures et des coloris, et la gravité certaine des sujets représentés – les souffrances des peuples déplacés et forcés de quitter leurs terres en raison des instabilités politiques et économiques. Au milieu de grandes étendues blanches, se suivent et se rencontrent des personnages en fuite, guidés par le dessin d’une lune, d’un oiseau mais aussi parfois d’un corps étendu au sol. Ces œuvres marquent un tournant dans la pratique picturale de Hako Hankson et véhiculent un message politique direct. Il dénonce ainsi les politiques d’immigration d’une Europe qui continue de soutenir les gouvernements africains souvent corrompus, tout en niant les atrocités commises au moment des indépendances[5]. Il parvient à retranscrire avec finesse le sentiment actuel ambivalent, entre volonté réprimée de construire l’avenir dans un pays en proie aux conflits armés[6], et l’envie de gagner l’Europe en quête d’une vie meilleure.

Panafricain et libre penseur, Hako Hankson cite volontiers les grandes figures indépendantistes - Thomas Sankara, Ahmed Sekou Touré, Kwame Nkrumah – et se nourrit de la pensée de Cheikh Anta Diop, adhérant à une vision afrocentriste attribuant une place primordiale aux cultures subsahariennes et encourageant les solidarités sur le continent.
Le travail de Hako Hankson a été exposé au Cameroun, en Suisse, en France et au Sénégal.

Aby Gaye

Texte rédigée entre Juillet et Septembre 2022
dans le cadre de l’OVR The light is in front of you


NOTES

[1] La région « bamiléké » a été le théâtre d’une guerre coloniale faite de massacres et de violences inouïes des années 1950 à 1970.

[2] Entretien avec Hako Hankson le 19 juin 2022.

[3] Doual’art est un centre d’art contemporain créé sous la forme d’une association à but non lucratif. Elle constitue un incontournable de la vie artistique et culturelle de la ville de Douala, grâce aux projets réalisés en lien avec les communautés, les administrations et les organisations internationales. Site : http://doualart.org

[4] La vidéo est malheureusement introuvable aujourd’hui. 

[5] Tribune, Le Monde, 2011, Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa, François Gèze, Ambroise Kom, Achille Mbembe et Odile Tobner : « La guerre coloniale du Cameroun a bien eu lieu ». Lien : La guerre coloniale du Cameroun a bien eu lieu (lemonde.fr)

[6] Mongo Béti, Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation, 1972, éditions Maspero (d’abord censuré par un arrêté du ministère de l’intérieur français).



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