“On dit que chaque personne est une île, ce n'est pas vrai, chaque personne est un silence, oui, chacune avec son silence, chacune avec le silence qu'elle est.”

Après les cris viennent les silences qui, de leurs bras, lavent les corps et apaisent les âmes. L’installation AAR et les initiatives artistiques font fleurir la mémoire des grandes traversées, laissant résonner des mots-talismans dans l’enceinte du fort de l’île de Gorée.

Au cœur d’un point de passage historique pour la traite des esclaves vers les Amériques, les artistes matérialisent voix et souvenirs dans un acte poétique. Les artistes s’égarent dans des lieux qui se chargent de signification par leurs contextes, leurs légendes et leurs histoires.

Ici, dans un espace où le temps se suspend, le duo d’artistes vient convoquer le bois, la matière et les formes des pirogues sénégalaises qui se mêlent à des couvertures de survie – ou du moins ce qu’il en reste. L’association surprenante des matières est un hymne à la pratique du land art et aux travaux de Joseph Beuys, et s’inscrit dans une ronde de guérisons et de blessures successives, pour rendre hommage à une nature de plus en plus fragile. Les jeux d’associations traduisent un besoin de renouveau et de sauvegarde, qui tendent à définir une nouvelle humanité.

Les œuvres en sont des atmosphères chargées de sens, imprégnées par des sujets contemporains. Les artistes tracent un pont entre migration et conditions environnementales alarmantes. L’urgence de ces crises se fait de plus en plus pressante : entre réchauffement climatique, crises politiques et économiques, les populations sont poussées à quitter leurs nids pour survivre, dans l’espoir de trouver refuge au-delà des eaux.

Pour reconstruire sur les ruines du passé, les œuvres s’invitent dans un haut lieu de souvenirs. La biennale de Dakar devient l’opportunité d'amorcer une réflexion collective sur les comportements humains de nos civilisations. Les questions écologiques en deviennent subtilement centrales, un enjeu majeur du XXIe siècle qui englobe de nombreuses questions politiques et sociales. Mischa Sanders et Philipp Putzer cherchent ainsi à imprimer le nouveau monde sur l’ancien, comme l’affirmait l’artiste italien Giuseppe Penone : c’est en faisant de la mémoire la matrice principale de l’œuvre que les installations traitent la notion de culture et de nature en une seule et unique entité.

Au travers de matériaux réemployés et transformés, Mischa Sander et Philipp Putzer font de l’exil un sanctuaire, un hymne à l’humanité qui en est le centre par son absence : pas de regard ni de visage, juste des épreuves passées et le souvenir des dernières traversées.

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BIBLIOGRAPHIE