INTERVIEW : MOHAMED A. CISSÉ
RETOUR
Peux-tu te présenter à nouveau et nous en dire plus sur ton parcours ?
Jusqu’à ce jour de 2015 où j’ai décidé de me reconvertir, j’avais le profil le plus classique qu’il soit. Baccalauréat à Dakar, aux Maristes, 2 années post-bac à l’ISM Dakar, puis Rouen Business School, d’où je suis sorti avec un MSc en Commerce International. Puis, carrière classique : banque, assurance, conseil en organisation, à Paris. Et puis un jour, j’ai décidé de rentrer à Dakar. Avec le support de mes parents, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment faire. Parce qu’au final, très peu le savent à l’obtention du bac et se retrouvent diplomes supérieurs en main, à se poser des questions… La Culture était une évidence. Mais c’était si flou, si incertain. Surtout pour mon background. Et puis j’ai eu cette proposition de reprendre l’administration de la Galerie MAM, à Douala. Je n’ai pas vraiment hésité. Au bout de 3 mois, la propriétaire de la galerie m’a proposé d’en prendre la direction. J’ai encore moins hésité ! Et depuis, j’évolue quasi-exclusivement dans le secteur de l’art contemporain.
Parle nous de l’exposition Kamerun ? Pourquoi une telle collaboration ?
C’est une exposition qui réunit une dizaine d’artistes contemporains camerounais. Il y a un peu plus d’un an, la directrice de OH GALLERY m’a proposé de monter une exposition avec elle dans son espace. J’ai bien entendu accepté. Je trouvais le challenge beau et intéressant : deux jeunes sénégalais, aux formations, histoires et backgrounds différents, qui se retrouvent autour d’une passion commune, dont ils ont fait leur métier. Deux acteurs « nouveaux » dans le paysage de l’art contemporain au Sénégal, qui, ensemble, proposeraient une exposition. Je ne savais alors quels en seraient le thème ou le format… Après quelques mois de réflexion, il nous est paru évident que l’exposition tournerait autour du Cameroun, pays ayant vu naître tant d’artistes reconnus. Pays où j’ai découvert, de manière professionnelle, l’art contemporain. Pays d’où est originaire le premier artiste non sénégalais exposé par OH Gallery, et le premier artiste contemporain dont j’ai visité une exposition.
Comment s’est déroulée la collaboration avec OH GALLERY ?
Je vais la faire rougir, mais quand je parle d’Océane, je parle de coup de cœur. C’est un peu le yang de mon yin. La collaboration s’est très bien déroulée, from day 1 ! Et pourtant, nous ne sommes pas toujours d’accord. Même loin de là. C’est d’ailleurs ce qui rend le projet d’autant plus intéressant !
Qui a fait la sélection des artistes ? Et pourquoi ces artistes en particulier ?
Il s’agit d’une sélection faite à 2. Bien sûr, les sensibilités étant différentes, nous avons discuté, négocié, pour faire cohabiter nos deux sélections de base. Je trouve que la sélection finale marche très bien…
Tu as pu réaliser des expositions un peu partout (Afrique et foires en Europe), selon toi, comment sont vus les artistes contemporains issus du continent ? Est-ce un réel marché ou une simple tendance ?
Alors, tout dépend de ce qu’on entend par marché. Est-ce la définition de base, consacrée, qui veut qu’un marché soit le lieu de rencontre entre une offre et une demande (je l’ai dit plus haut, j’ai fait des études de commerce ! Lol) ? Si oui, il y a clairement un marché ! Il y a évidemment une tendance. Pas une « simple » tendance, mais bel et bien une tendance, qui (nous) pousse à structurer nos marchés justement (parce que oui, le marché sénégalais, n’est pas l’ivoirien, n’est pas le camerounais, n’a rien à voir avec le sud-africain, le marocain, ou celui de la diaspora par exemple). C’est donc une tendance qu’il faut exploiter, et ce, de la manière la plus professionnelle possible !
Tu es sénégalais, comment s’y porte le marché de l’art ? Quel est ton ressenti par rapport à tout ce que nous voyons ?
C’est un marché qui donne foi et espoir. C’est un marché qui manque de dynamisme mais qui a tout pour être hyper dense : une scène artistique foisonnante (des artistes à renommée internationale, des émergents), un grand RDV international (Dak’Art), des initiatives locales géniales (Partcours, Regards sur Cours…) et surtout (je vois déjà les mains se lever et les yeux rouler, mais qu’à cela ne tienne !) des autorités qui font office de support. Il faudrait juste peut-être un peu plus de jeunes aux postes clés ou impliqués dans les organes/prises de décisions. Les temps changent, évoluent, et la manière de travailler aussi…
L’art à l’ére des réseaux sociaux ?
C’est une bonne transition avec le point précédent. Il faut vivre avec son temps. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui incontournables. J’estime qu’ils correspondent à l’élément premier de communication. Nous avons vécu une année très compliquée, où, internet, le numérique, les réseaux sociaux se sont indubitablement imposés comme remparts à une arrêt complet des activités, surtout dans des secteurs comme le nôtre. En revanche, je ne crois absolument pas au « tout digital ». Jamais ne pourra être remplacée l’émotion d’une visite physique d’une exposition, d’une performance, d’un atelier ou d’un studio d’artiste. Je pense qu’il faut voir les réseaux sociaux et le numérique comme des supports, et certainement pas comme des substituts.
Tes projets à venir ?
Depuis mon retour à Dakar, en fin 2018, je conduis des projets culturels, à travers ma petite agence : KCISS. Je travaille en ce moment à la structuration d’une maison d’édition sénégalaise, d’une fondation, au Cameroun et serai prochainement commissaire du volet art contemporain du festival Generation A, au Théâtre Paris Villette.