Son ins- tallation Aarou maag nii (qui signifie en wolof l’ancêtre protecteur) associe trois photographies montrant un lieu sacré, un legba (divinité vodou intercesseuse qui protège les villages) et un revenant, à trois photogra- phies réalisées par l’artiste. En « sortant les archives photographiques des étagères de l’IFAN où elles sont prisonnières», Ibrahima Thiam les pose au près d’un jeune baobab dans l’espace social, public et végétal du parc : car à l’instar du tamarinier et du fromager, le baobab permet de communiquer avec les forces sur- naturelles, il est habité par des esprits et marque un enracinement spirituel et social. Ibrahima Thiam les relie également à ses projets Maam Coumba Bang (2019), Maam Njare (2020). Et plus particulièrement à Maam Nduek Daour Mbaye (2020) qui donne figure au génie de Dakar se transformant en cheval blanc chaque jeu- di soir. Ces séries révèlent les présences mystiques de génies protecteurs Lebou –mi-femme, mi-homme, mi-animal– avec leurs attributs au sein d’un présent en mutation. Elles explorent par la fiction la mise en scène de nouveaux récits qui interpellent leurs fonctions et leur présence. En créant des liens avec le passé et avec un autre espace culturel animiste, l’installation montre des croyances anciennes qui –avec leurs différences– parcourent l’Afrique de l’Ouest et lient étroitement les humains à leur environnement naturel. Elle évoque aussi la religiosité de la société sénégalaise, son syncrétisme mêlant religions abrahamiques (notamment l’Islam) aux religions traditionnelles, qui tendent peu à peu à disparaître (alors qu’au Bénin, les rites animistes sont encore très vivants). Un processus renforcé par l’urbanisation intense de la presqu’île du cap vert, qui en menaçant le patrimoine végétal et littoral souvent associé aux rituels Lebou, conduit à leur abandon. Par sa taille, Aarou maag nii donne une présence et une visibilité – peu habituelle dans les médias sénégalais – à ces croyances, afin de poser la question de l’héritage de leurs savoirs (…)