Souffle azimut

IBRAHIMA THIAm, MISCHA SANDERS & PHILIPP PUTZER
11 SEPTEMBRE - 20 NOVEMBRE 2021

EXPOSITIONS

PRÉsentation

 

“Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.”

 

Certaines phrases ont la force de s’inscrire dans les pensées les plus profondes : ces mots, du poète Birago Diop, habitent l’esprit d’Ibrahima Thiam depuis sa jeunesse. Et quand ces pensées gravées en mémoire rencontrent celles de Mischa Sanders et Philipp Putzer, une idée jaillit. Des regards différents qui partagent pourtant les mêmes tendances : s’égarer dans des lieux qui se chargent de signification par leurs contextes, leurs légendes et leurs histoires. 

 

Cette exposition est une odyssée de sept semaines à travers des villages de pêcheurs lébous, plages et campagnes sénégalaises. Les œuvres en sont des atmosphères, des mots en suspens. Pendant que le duo d’artistes convoque le bois et la matière, fasciné par les formes des pirogues sénégalaises, Ibrahima Thiam fait appel aux esprits des villages et des eaux : la puissance de Maam Ndjaré, de Maam Coumba Bang et celle de Maam Ndeuk Daour Mbaye surplombent silencieusement la salle d’exposition.

 

L’impulsion est donnée par le photographe et son œil inclassable, oscillant entre le genre plastique et didactique : gardien des mythes ancestraux, il devient éclaireur. Ibrahima Thiam cherche toujours à fixer l’oralité en image et travaille sur les traditions lébous. Dans des mises en scènes poétiques, l’artiste interprète les légendes pour en laisser une trace.

 

Finalement, chacun y souffle son murmure de protection. Mischa Sanders donne au bois une portée mémorielle : les couvertures de survie marquent la trajectoire fragile de toute vie sur terre et suggèrent l’urgence des crises migratoires et climatiques. Philipp Putzer, lui, a choisi de dévoiler la souplesse et la fragilité des embarcations qui accueillent les individus pendant des jours.

 

Le duo d’artistes joue en permanence avec la matière, allant parfois jusqu'à réinventer des techniques sculpturales aujourd’hui délaissées. Le respect de l’environnement, les matériaux réemployés et transformés sont ancrés dans leur processus créatif. Imprégnés par des sujets de société contemporains, c’est tout naturellement que le duo trace un pont entre les déplacements des populations et les conditions environnementales alarmantes. 

 

Entre réchauffement climatique, crises politiques et économiques, les populations sont poussées à quitter leurs nids pour survivre, pour trouver un refuge. Nous ne parlons pas d’un temps incertain, d’évènements ponctuels, mais bien de drames qui se répètent inlassablement. Dernièrement, soixante nouvelles âmes ont inscrit leurs noms dans l’épreuve de la grande traversée, s’échouant au large de Saint-Louis.

L'exil n’a pourtant pas de frontières, l’image de la grotte du Lieu de prière en témoigne. Les clichés se multiplient, dévoilant l’endroit comme un refuge pour le guide religieux Mame Limamou Laye : le danger devient un sanctuaire sacré. 

 

Ce projet, l’humain en est le centre. Pourtant, il demeure absent : pas de regard ni de visage, juste des épreuves passées, le souvenir d’une dernière traversée, la présence des génies  sacrés qui occupent l’espace - l’invisible se fait omniprésent. C’est un hymne à l’exode humain, un frisson face au danger de l’immensité, une admiration devant tant de beauté. L’océan se fait mère et tueuse, crainte par les hommes qui, armés de courage et de prières embarquent pour un long périple sur de simples embarcations en bois.

 

Que reste-t-il quand tout repère disparaît ? Que se passe-t-il quand l’arrivée se réduit à un “peut-être”, indépendant de toute action ?

 

Le voyage devient une épreuve, guidé par la lueur des astres en passant par le souffle des vents que les Hommes cherchent à décoder. L’azimut est un repère, une coordonnée céleste. Une direction rassurante qui indique le chemin d’une étoile ou d’un astre. Le périple est minutieusement calculé : il se transforme en un vecteur de référence, en degrés de navigation maintenu par des angles de calcul. 

Dans l’équation, se trouve le destin, le sensible : des souffles hasardeux qui ne peuvent être anticipés. Leurs significations, comme la respiration, sont universelles : phénomènes invisibles, liés à ceux des ancêtres, des arbres, de chaque élément sur terre.

 

Entre photographies méditatives, installations et croquis reprenant les courbes et les gestes de construction des pirogues, les détails qui interrogent les matériaux et leurs symboles, les artistes créent des connexions poétiques avec toujours ces mots se transformant en image, en espoir :  

 

“Ceux qui sont morts ne sont jamais partis.”

artistes

Ibrahima+Thiam+%C2%A9+Antoine+Temp%C3%A9.jpg


Ibrahima Thiam

Né en 1976 à Saint louis du Sénégal, Ibrahima Thiam s’installe à Dakar où il fait des études en économie. A la suite d’un atelier organisé par le Goethe-Institut durant le Mois de la photo à Dakar en 2009, il se découvre une passion pour la photographie. Autodidacte, il s’intéresse à la mémoire, à l’archive, à l’oralité africaine ainsi qu’aux mythes et légendes. Ibrahima Thiam collecte des images, dont certaines sont issues de ses archives familiales, ce qui contribue à forger son imaginaire. Il développe également depuis quelques années une pratique qui met en lumière les divinités des communautés Lebu (…)

Lire la suite

Mischa_Philipp_Portrait04_RosaMerk.jpg

MISCHA SANDERS & PHILIPP PUTZER

Née en 1994 aux Pays-Bas, Mischa Sanders vit et travaille entre l’Allemagne et la France. Artiste Plasticienne, elle à étudié à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon, en France, et à la Hochschule für Bildende Küste de Dresden en Allemagne. En 2018 elle réalise un échange à l’INSAAC, à Abidjan, et séjourne six mois en Côte d’Ivoire.

Philipp Putzer, né en 1994, a grandi en Italie et a étudié la sculpture à la Kunsthochschule de Dresde, en Allemagne. En 2018, il a effectué un échange à l'INSAAC à Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Il vit et travaille en Allemagne et en Italie.

Lire la suite