Patrick-Joël Tatcheda Yonkeu | L’horloge interne : Une réflexion sur le temps
L’horloge interne est une installation réalisée par Patrick-Joël Tatcheda Yonkeu. Exposée en 2018 dans le cadre de la résidence d’artiste de la Villa Romana à Florence, l’oeuvre est présentée à l’édition 2021 de la foire d’art contemporain Artissima qui se tient à Turin du 05 au 07 novembre.
L’artiste plasticien nous captive avec une création qui questionne la perception des temps et des souvenirs.
Démesure et poésie
L’horloge interne est en réalité une roue composée de quatre demi-panneaux de bois sur lesquels l’artiste à fixer des peintures. L’ensemble forme un cercle de plus de deux mètres de diamètre.
Les faces comptent deux narrations, opposées et complémentaires. La premère est travaillée dans des tons bleus : elle nous transporte dans une dimension céleste, rappelant également les océans primordiaux. Chargé de signification, l’indigo, chez les peuples des grassfields dont est originaire l’artiste, est synonyme de royauté et de noblesse d’âme. Une essence à la fois profonde et insaisissable qui invite le spectateur à accéder à un état presque méditatif.
En tournant autour de l’installation, la seconde face, quant à elle, dévoile des tonalités brunes et naturelles rappelant la terre, la fertilité des sols, la faune et la flore. Sur celle-ci, Patrick- Joël Tatcheda Yonkeu aborde la thématique des quatre-saisons et de l’équilibre des cycles, des écosystèmes..
La technique utilisée se veut complexe et marquée par de nombreuses étapes. Les pigments sont d’abord dilués avec de l’huile de lin sur du papier. Après avoir déposé une couche de vernis légèrement opaque, l’ensemble est directement marouflé sur les panneaux de bois contreplaqués. Intrinsèquement dépendantes, l’une de l’autre, les deux facettes sont minutieusement reliées par une lanière de cuir, en peau de mouton tannée et vivifier au vinaigre qui vient enlacer l’intégralité de la roue.
Le présent : longue ligne devenue cercle
En réalité, cette œuvre s’inscrit dans un processus de réflexion amorcé par l’artiste depuis quelque temps. C’est un retour vers l’enfance qui s’opère, à travers une perception sensorielle. Pour Patrick- Joël Tatcheda Yonkeu, la roue revêt l’odeur des récoltes sur les littoraux camerounais, marquée des cycles naturels et de la présence animale.
L’œuvre offre un accès à une forme de régression dans les temps et les espaces. Aller à contre temps est une action de lenteur, que l’artiste matérialise donc par des souvenirs d’enfance. Ceux d’un été, qui se transforment en nuances colorées capturés sur papier. Le passé n’est qu’un éternel : chaque instant compte et a existé comme un présent, tel un degré zéro de l’existence.
Le temps devient alors élastique et se module : il peut être dilaté, dans un élan quasi-instinctif. La roue est un nouveau prisme des perceptions temporelles.