Lune Diagne | Dans les yeux des tirailleurs


Il y a des épopées oubliées qui, parfois, tendent à devenir des sensibilités viscérales. Pour Lune Diagne, raconter simplement cette histoire n’était plus suffisant : il fallait transmettre autre chose, aller au-delà d’un simple récit.


“Je n'ai jamais appris quelque chose sur les tirailleurs sénégalais. Je trouve scandaleux, en 2021, qu'on n'apprenne pas et qu'on ne transmette pas cette histoire à l'école.”

L. Diagne


L’exposition Frères d’âme, aux côtés de Sambou Diouf, à été l’occasion pour Lune Diagne de dévoiler un travail caractérisé par des œuvres fortes et hautes en couleur, traduisant un univers poétique et puissant. En quête de vérité, l’artiste explore les sentiers du passé, tant par la peinture que par la performance.

© Lamine Diack

© Lamine Diack

 


Vues de l’exposition Frères d’âme

 
 

© Lune Diagne et Sambou Diouf
Courtesy galerie Le Manège et OH GALLERY
Photographe : Khalifa Hussein


performance seuk yi de Lune Diagne à retrouver ici

les insignes memoriels


Des œuvres peintes, sculptées, jusqu'à la création d’une performance chorégraphiée au cimetière de Thiaroye remplissent étrangement l'atmosphère de la salle d’exposition.

Les visages reconstitués se déploient dans différents formats, nous obligeant à prendre du recul ou bien à se rapprocher, dans un élan secret, pour en scruter les moindres détails. Ces têtes aux yeux tombants, aux bouches tordues se déclinent de manière presque obsessionnelle : elles se succèdent, se superposent

De grandes banderoles suspendues flottent au-dessus du sol, au-dessus du temps. Ces Drapés de papier-peints témoignent des jeux de textures des supports utilisés par Lune Diagne. Elles sont comme des drapeaux réunissant les frères d’armes sous les mêmes insignes.

 

“On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.”

Léopold Sédar Senghor, Hosties noires, 1948.

 
 
 

Reconstruire les rescapés

Image d'archive _ Tirailleurs Sénégalais

Le processus créatif s’inscrit dans une certaine violence poétique. Après avoir laissé ses portraits périr dans les flammes, l’artiste en a sauvé les quelques survivants. Dans une dimension de soin, l’artiste à réparer les papiers rongés par le feu, reconstruisant les visages ravagés à l’aide du dessin, du collage.

Cette démarche sensible, singulière et affective est une inscription symbolique des épreuves vécues par les tirailleurs sénégalais. Elle traduit l’envie d’inscrire cet épisode historique dans la mémoire collective :”se rappeler d'eux pour se rappeler d'où l'on vient”.

La vérité s’exprime à travers l’horreur d’un visage à l’humanité brisée que l’artiste vient coudre les uns avec les autres à l’aide d’un fil rouge. Des coutures qui viennent lier les histoires individuelles passées, les familles, les héritages, dans la douleur et dans le deuil.

Image d’archive, l’arrivée des tirailleurs sur le lieu du massacre de Chasselay, le 20 Juin 1940. © Batiste Garin

 

Interview Lune Diagne

 
 
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