Née en 1965, Salifou Lindou vit et travaille à Douala.
L’art n’est pas du tout étranger à ce membre du cercle Kapsiki. Les masques et les statues qu’il voit chez les artisans et au musée du Palais avec ses parents, font partie de son quotidien, depuis la tendre enfance qu’il a passé à Foumban sa ville natale, appelée citée des arts par beaucoup. Très vite, il s’intéresse à la création et aujourd’hui, il est l’un des artistes camerounais reconnu sur le plan national et international.
Les œuvres de Salifou Lindou sont un mélange de matériaux « j’ai l’art de manipuler les choses, j’aime bricoler ». Chercheur infatigable, Salifou avec la tôle, le cuir, l’acier, le papier, etc. façonne, structure et déstructure. Il expérimente sans cesse de nouveaux éléments, pour en tirer le meilleur.
De prime abord, on pourrait croire que le travail de cet artiste rame à contrecourant des tendances actuelles de l’art contemporain. A l’heure où plusieurs artistes font à nouveau recours à la figuration, voir à l’hyperréalisme, cet artiste cherche des pistes d’une maîtrise parfaite de l’abstraction de ses sujets. Tel un gamin comme il le dit lui-même, Salifou exprime le besoin de manipuler les formes, d’explorer des matériaux et finalement d’inventer des scènes. Cette capacité qu’il a à orienter les lignes, plaçant à la place qu’il faut les yeux, la bouche, le nez et toute autre partie du corps de ses personnages, sans calcul, dénote de sa maîtrise parfaite du dessin et de l’expression de la liberté qui se dégage de lui. Dans ce jeu, qu’est finalement la création artistique, tout lui est permis : l’artiste, jouant avec un amas de lignes, les amène à ne s’exprimer que pour elles-mêmes et les personnages représentés accusent décidément l’indifférence au réel. Au cours de cette manipulation, de ce bricolage, l’artiste fini par toucher au secret et au mystère de la vie. La vie, notre vie, est un jeu, mais un jeu vicieux. Ses œuvres, dans un mélange de médium (dessin, peinture, collages, etc.) nous racontent sa complexité. Aux jeux des formes abstraites, Salifou glisse des figures complexes. Cette complexité, il est possible de la voir à travers des lignes maronnes et brunes qui s’entremêlent, s’enchevêtrent, formant des personnages atypiques sur lesquels il colle des éléments, qui deviennent des stigmates. On peut aussi voir des lignes aux allures de labyrinthes, ce labyrinthe qu’est la vie, une vie dans laquelle l’Homme qui est au centre du travail de Salifou, doit lutter, misant gagnant ou perdant, comme dans un casino. C’est autour de ce combat et de ce jeu de stratégies perpétuelles que la vie de l’être humain tourne au quotidien. Ses dessins montrent des silhouettes fortes mais fragiles en même temps, dans des univers chaotiques où l’homme libère ses pulsions, conjure son angoisse, décharge son agressivité, c’est pleinement humain. A travers le travail de Lindou, on peut le confirmer encore : la création artistique et la vie auraient une origine et une trajectoire commune.
Ruth Belinga Historienne d’art