Focus Afrique de l’Ouest

Depuis plusieurs années, toute une nouvelle génération d’artistes d’Afrique de l’Ouest affirme des écritures scéniques, aussi riches que singulières, qui résonnent bien au-delà du continent africain. À l’image du théâtre sans concession d’Aristide Tarnagda. Auteur, metteur en scène et directeur des Récréâtrales, le plus grand festival de théâtre d’Afrique de l’Ouest qui se déroule à Ouagadougou, le dramaturge burkinabé sera particulièrement à l’honneur avec trois pièces : Plaidoirie pour vendre le Congo, comédie caustique et impitoyable de Sinzo Aanza mais aussi Les Larmes du ciel d’août ainsi que Et si je les tuais tous Madame ? - deux monologues fiévreux, donnés ici en avant-première dans une nouvelle version en diptyque où explose l’écriture tranchante de Tarnagda.

Artiste militante des droits de la femme en Afrique, Odile Sankara (Burkina Faso) mettra en scène Et que mon règne arrive de Léonora Miano, dont la verve truculente épingle le machisme ordinaire tandis que la malienne Jeanne Diama livrera un spectacle coup de poing sur les victimes de viol de guerre (Cousu Main).

Autre temps fort, une carte blanche donnée au chorégraphe Salia Sanou, figure de proue de la danse contemporaine africaine. Il reprend ici une de ses pièces emblématiques, Clameur des arènes, avec 8 jeunes interprètes burkinabés, issus de La Termitière - le premier centre chorégraphique du Burkina Faso qu’il a créé en 2006 - avant de présenter en salle À nos combats, sa toute dernière création inspirée de l’univers de la boxe et le solo explosif de la chorégraphe ivoirienne Tatiana Gueria Nade contre les violences faites aux femmes : Sian, Décharger la marmite qui crame au feu depuis toujours.

Ce périple en Afrique de l’Ouest se nourrit aussi d’échanges féconds. À l’instar du projet Omijé qui réunit la vocaliste française Violaine Lochu, le percussionniste béninois Folly Azaman et le bassiste nigérian Oluwatosin Oyee autour de la figure de la pleureuse, des trois jours de performances avec des artistes nigériens et sénégalais (Jelili Atiku, Naomi Lulendo, Lune Diagne), ou des installations de la plasticienne Delphine Gatinois, inspirées des parasols qui abritent le grand marché de Bamako et qui se déploieront dans plusieurs lieux du festival. Une programmation musicale aux sonorités africaines rythmera l’édition, entre concerts et DJ sets. Enfin, des temps de rencontre et d’échange réuniront des auteurs et artistes autour des grands enjeux de l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui : table ronde avec Odile Sankara et Salia Sanou, lecture avec Carmen Fifamé...

Des spectacles en prise avec le monde

Au fil de la programmation, FARaway réaffirme aussi sa vision d’une scène engagée. À commencer par la première française de 1,8 M du dissident russe Ivan Viripaev qui met en scène les textes de prisonniers politiques en Biélorussie, dernière prise de parole des accusés avant leur condamnation ; le théâtre documentaire d’Etienne Huver sur l’enfer des exilés libyens ou encore le combat d’une femme contre une société insensible dans La fille qui chante et la fille sur le toit de la camerounaise Jeannette Mogoun. Sans oublier l’essentiel Radio Live qui sera consacré à la jeunesse engagée. Dans un autre registre, et en première en France, la brésilienne Luanda Casella s’attaque à l’inanité des plateaux télé dans le très subversif Killjoy Quiz tandis que le flamand Michael de Cock et l’espagnole Carme Portaceli n’hésitent pas à transformer Emma Bovary en une figure d’émancipation féminine.

Parmi les autres rendez-vous, les enfants sont invités à découvrir la poésie du théâtre de marionnettes tchèque du Studio Damùza (Řeka) et des ateliers ludiques leur donneront à voir les multiples facettes du spectacle vivant et de l’art. Concerts et installations musicales - Lostery (Ipso Lotto et Ipso Primero) de Clara Maïda et Habebtshi avec Uriel Barthélémy et Yasmine El Baramawy – viendront par ailleurs nourrir cette quatrième édition.

Plus que jamais, le festival FARaway entend s’adresser à toutes les curiosités, toutes les générations, le temps d’un événement rassembleur où les 150 artistes agitateurs et agitatrices feront des scènes de Reims un espace de dialogue, de rencontres et de découvertes pour penser autrement les enjeux d’aujourd’hui et de demain.

Anne de la Giraudière