“ Uniforme ou seconde peau, les vêtements sont souvent l’expression d’un choix délibéré et signifiant. Ils sont l’histoire que nous nous racontons et que nous proposons au regard de l’autre.” Amina Benbouchta

Dans This is my World This is my Home, Joël Andrianomearisoa convie le visiteur dans un intérieur domestique. Il fusionne les espaces, intime et social, souvent distingués par l’architecture, en invitant Amina Benbouchta à prendre la place de la parfaite hôtesse de maison.

On retrouve une table dressée, des éléments de mobilier conçus par Joël Andrianomearisoa ainsi que des toiles qu’il a soigneusement sélectionnées dans la collection du MACAAL. Deux chaises se font face : l’une, stricte déclinaison des modules mobiliers d’Andrianomearisoa, l’autre, souvent utilisé par Benbouchta dans ses mises en scène photographiques, et dont le piétements longs et fins se jouent des lois physiques. Sa crinoline emblématique - à la fois outil de séduction et d’avertissement du corps féminin - répond au portrait orientaliste de Jean-François Portaels.

Dans cette conversation spéciale inédite, Amina Benbouchta accepte de dévoiler les éléments d’apparat qui lui permettent d’incarner les rôles que la société lui assigne ou qu’elle se plaît à jouer. Femme-objet ou sujet des injonctions sociétales, souvent étouffantes sous le poids des codes sociaux, elle semble nous dire ici combien elle les maîtrise. Du cafetan des grandes cérémonies à la djellaba des moments funestes, en passant par l’indispensable marinière de toute personne bien née, Amina Benbouchta manipule ostentation et fausse sobriété selon la circonstance. Ici, un ensemble noir pour jouer la carte de la neutralité ou l’effacement nécessaire du féminin pour exister en tant qu’artiste. Là, une robe au motif félin, synonyme de prédation, portée suffisamment longue et couvrante , pour semer l’ambiguïté entre le chasseur et sa proie. Séparés de façon équidistante, les différents costumes apparaissent comme des incarnations parallèles, pour matérialiser une schizophrénie inévitable. Entre réel et fantasme, chaque élément est tenu en suspension, pour dire que la potence n’est jamais loin.

Nocturnal dissolution raconte, à travers des objets usuels, les personnages incarnés par Amina Benbouchta, laquelle nous invite à déchiffrer, à travers le vêtement, les rôles qu’elle a construits et qui l’ont construite.

Meriem Merrada