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Interview i lune diagne à la villa albertine, new york

Battling Siki, Portrait de 1921 © Agence Meurisse

Dans le cadre de sa sélection pour la saison 2024 de la Villa Albertine à New York. Lune Diagne enquête sur la survie à Harlem du boxeur sénégalais Battling Siki, dont la carrière a débuté à Marseille. Autour de cette figure incarnée, il poursuivra ses recherches artistiques sur la géopolitique des corps.

 Dans le cadre de votre pratique artistique, pourquoi votre intérêt pour le boxeur Battling Siki ? Que représente-t-il pour vous et selon vous ?

Pourquoi Battling Siki ? Parce qu’il est un champion oublié, un grand monsieur qui mérite d'être connu, honoré et valorisé. De plus, il est originaire de la même ville que moi à Saint-Louis du Sénégal. Je connais sa famille à Saint-Louis et il y a un cousinage à plaisanterie entre les Fall et les Diagne. Voilà ce qui m’a poussé à travailler sur lui. J’ai découvert son histoire quand j’étais encore gamin, plus précisément en 1994 où on nous parlait du retour des ossements de Battling Siki qui seront enterrés à Saint-Louis. C’est là où j’ai commencé à découvrir son histoire. Par la suite, lors d’une résidence dans le sud de la France, j’ai découvert un livre sur Battling Siki écrit par Jean-Marie Bretagne. Cela a été le point de départ de mes recherches approfondies pour pouvoir faire un jour un spectacle sur lui et aujourd’hui faire des recherches plus poussées sur sa vie à New York.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre recherche actuelle à New York ?

Ma recherche actuellement se porte sur Battling Siki, ce boxeur sénégalais qui a quitté le Sénégal vers le début des années 1900 quand il avait 12 ans. Il avait été amené en Europe par une danseuse hollandaise qui était de passage à Saint-Louis avec un bateau. Arrivée à Marseille, elle l’a abandonné là-bas. C’est à Marseille qu’il est devenu boxeur et a gagné des titres de champion du monde de boxe vers les années 1920. En 1923, il est venu s’installer à New York et a continué à faire de la boxe. Il était à la fois beaucoup aimé, mais aussi beaucoup détesté parce qu’il gagnait beaucoup de titres de champion des États-Unis. Au soir du 1ᵉʳ décembre 1925, il a été assassiné entre Hell’s Kitchen et Harlem et ses funérailles ont été faites à l’Église Saint-Baptiste Abisinière de Harlem sur la rue 138.

Je suis venu effectuer une recherche sur sa vie à New York, et plus particulièrement utiliser le Battling Siki comme le file rouge pour aller vers la communauté sénégalaise pour savoir depuis quand les premiers sénégalais sont installés à New York. Beaucoup de gens parlent des années 80 alors que dans les années 1920, à l’époque de Battling Siki, il y avait déjà des sénégalais, pas beaucoup, mais il y en avait quand même. C’est sur ça que portent mes recherches. Dans les New York library, dans les centres de recherche de la culture noire à Harlem. J’y passe beaucoup de temps ainsi que dans toutes les organisations de Harlem et de marchés de Black Live Matter, Black for Helfsi, Young black for Harlem et beaucoup de d’initiatives similaires. Je rencontre beaucoup de clubs de boxe où je vais regarder des entraînements, j'interviewe plusieurs personnes, des acteurs comme Peter Benson un écrivain qui est le premier à écrire sur Battling Siki. Benson à vécu au Sénégal et il connaît bien la culture sénégalaise, qu’il adore. Il est maintenant à la retraite aux États-Unis. Nous avons passé de bons moments ensemble. Il a pu m’expliquer  ce qui l'a poussé à écrire sur Battling Siki.

Pourquoi plus particulièrement Harlem ?

En tant qu'artiste sénégalais, ce qui m’amène à  m’installer ou à travailler à Harlem, c'est ce rapport que Harlem a eu avec le Sénégal. En effet, la plus grande communauté des Sénégalais qui vivent aux États-Unis se trouve à Harlem, particulièrement à la Rue 116. Cette rue qui se situe entre 5ᵉ et  8ᵉ Avenue abrite un grand marché où l’on peut acheter tous les produits en provenance du Sénégal comme tous les condiments locaux. Ainsi, nous pouvons préparer les mêmes mets avec les mêmes ingrédients que l’on trouve au Sénégal comme le thiébou Djeune, le mafé, le yassa … Mais ce n’est pas parce que les plats sénégalais qui me manquent que je suis ici. C’est surtout cette curiosité de voir comment les Sénégalais ont réussi à créer une ville dans une ville. Parce que quand tu arrives là-bas, tu as l’impression d’être à Sandaga, Tilène, les grands marchés de Dakar ou dans un marché à Saint-Louis ou à Ziguinchor. Tu entends tout le monde parler que le wolof avec le café Touba qui est vendu dans la rue. Il y a aussi des mamans qui vendent du thiaf, du fondéh … Disons du tout. Tout ce que tu cherches au Sénégal, tous les produits du Sénégal, tu peux les trouver.

© Lune Diagne, New York, Août-Septembre 2024

Comment percevez-vous le rôle de l'art dans la communauté de Harlem ? 

Je pense que l’art est essentiel à Harlem et est très important. C’est quelque chose de nécessaire ici parce qu’on parle beaucoup aussi du mouvement Harlem renaissance, un mouvement qui s’est passé dans les années, je pense, 1900, entre deux guerres. Ce fut un mouvement qui a révolutionné la ville de Harlem en musique, en danse, en théâtre, en chant, en littérature, en art plastique et au cinéma. Donc ce mouvement de renaissance est très important. Et aussi à Harlem, il y a par exemple Apollo Theater, qui est l’un des plus grands théâtres des États-Unis, ou toutes les grandes  stars musiciennes comme Michael Jackson, Rey Scharly, Scharly Parker… ont joué. C’est un théâtre qui est au centre de l'avenue de la rue 125. Voilà, tu ne peux pas visiter ou parler de l’histoire de Harlem sans évoquer ou mentionner ce théâtre. À Harlem, il y a aussi le muséum studio qui actuellement est fermé pour des travaux de rénovation. Il y a en plus beaucoup de galeries et d'artistes. Mais les artistes, on ne les voit pas très bien ; chacun est dans son coin en train de travailler. Cependant, il y a tout un mouvement avec tout le temps des concerts. Depuis que je suis là, chaque week-end ; il y a des concerts dans différents endroits de Harlem et les gens y répondent toujours présent. Il y a beaucoup de fêtes, de musiques ou d'arts. Je pense que oui ! Harlem est un quartier ou district très artistique que les gens adorent visiter. 

Pouvez-vous nous décrire votre processus de recherche ? Comment évolue-t-il depuis son concept initial ?

Ma recherche se déroule sur plusieurs secteurs. D’abord, j’ai commencé beaucoup avec la communauté sénégalaise. Je me suis souvent rendu à la rue 116 pour rencontrer les sénégalais, les interroger dans leurs magasins. Echanger aussi avec les vieux sénégalais qui sont sur le territoire depuis 30 ans, 25 ans, etc. Cependant, j’ai toujours eu du mal à entrer en contact le président de l’association des Sénégalais de New York. Il arrive quand je ne suis pas sur place et quand je m’y rend, il n’est plus là. J’espère pouvoir le rencontrer ou lui parler au téléphone. Le cas échéant, ça sera pour une prochaine fois.

Dans un second temps, j'ai rencontré beaucoup de clubs de boxe, et de boxeurs. dont des champions du monde de boxe avec qui j’ai échangé sur Battling Siki. Malheureusement, la plupart ne connaissent pas Battling Siki. Mais, je suis tombé sur une dame extraordinaire qui fait des recherches sur les champions du monde de boxe noir de 1990 à nos jours. Elle fait un travail extraordinaire, s’avère être guide touristique et travaille avec la ville de Harlem.

Enfin, j’ai eu l’opportunités de visiter les nombreux musées, passer du temps dans les bibliothèques, eut accès à des archives etc.

Avez-vous collaboré avec d'autres artistes ou institutions locales ? Si oui, comment ces collaborations ont-elles enrichi votre travail ?

Pour la collaboration avec d’autres artistes ou institutions locales, oui ! Il y en a certains avec qui j’ai beaucoup échangé et je suis allé visiter leurs studios. Ils sont aussi venus voir mon travail et nous nous sommes partagés nos techniques de travail. Beaucoup m’ont invité à aller voir des spectacles, d’autres événements ou activités culturelles qui se passent à New York en ce moment-là. 

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